Module 1: Introduction à la sylviculture

Module 1: LEÇON 1 : Introduction

Les forêts saines et diversifiées sont vitales au bien‑être de notre planète. Les forêts sont des systèmes vivants complexes qui abritent toute une variété d’organismes. Elles protègent nos sols, nos rivières et nos lacs, et elles constituent une ressource précieuse pour les loisirs. Même la qualité de l’air que nous respirons dépend dans une vaste mesure des forêts. Les arbres emmagasinent le carbone et ils absorbent du dioxyde de carbone (en particulier ceux qui ont une croissance rapide), ce qui réduit l’effet de serre.

Sur le plan économique, l’industrie forestière est vitale pour le Canada et la Nouvelle‑Écosse (figure 1). En 2003, elle a contribué à hauteur de plus de 33 milliards de dollars au produit intérieur brut à l’échelle nationale; elle a représenté près de 40 milliards de dollars de nos exportations et 29,7 milliards de dollars de notre balance commerciale (Ressources naturelles Canada, 2004).

Part des exportations totales de la Nouvelle-Écosse qu'ont représentée les exportations forestières en 2001 (Conseil économique des provinces de l'Atlantique, 2005)

 

À l’échelle provinciale, la contribution de l’exploitation forestière à notre économie a représenté en 2003 plus de 923 millions de dollars de nos exportations et plus de 873 millions dollars de notre balance commerciale. Plus de 13 000 emplois découlent directement de l’industrie forestière en Nouvelle‑Écosse (Ressources naturelles Canada, 2004).

Pour maintenir cette industrie, on récolte chaque année dans la province environ 6 millions de mètres cubes (m3) de bois rond (État des forêts au Canada, 2003-2004). Soixante pour cent de ce bois proviennent de petits boisés privés, qui constituent 50 % du territoire boisé en Nouvelle‑Écosse. Les terres en question appartiennent à plus de 31 000 petits propriétaires fonciers (Dansereau et deMarsh, 2003; Institut forestier du Canada, 2001).

La forêt munit les Néo‑Écossais d’un mode de vie depuis nombre de générations. Si nous voulons maintenir une forêt productive et saine au cours de l’avenir, il est essentiel que chacun comprenne la forêt et assure un aménagement forestier durable.

La compréhension des arbres et de leur mode de croissance est fondamentale en matière de sylviculture. La sylviculture est la pratique en vertu de laquelle les peuplements bénéficient de soins culturaux, sont récoltés et sont remplacés par de nouveaux peuplements pour l’atteinte d’objectifs définis. Elle englobe le « cycle vert » de la régénération artificielle ou naturelle à la récolte (figure 2). 

Le présent module vise à aider les lecteurs à comprendre certaines caractéristiques de base des essences d’arbres qui sont importantes pour la pratique de la sylviculture. Elle ne traite pas de techniques de sylviculture ni du sujet connexe de l’écologie forestière; ces sujets sont traités dans les modules 2, 3, 5 et 7, respectivement.

CYCLE DE LA SYLVICULTURE
 

La forêt du passé

Les premiers habitants de la province, les Mi’kmaq, occupaient la majeure partie du territoire avant l’arrivée des colons européens. Les Premières Nations entretenaient un rapport unique avec les ressources de la terre, s’adonnant à diverses activités de survie, depuis la chasse et la cueillette à l’agriculture. Ils croyaient que la richesse de la terre provenait de leur Créateur. Les Autochtones assumaient un rôle d’intendance et ils exerçaient leurs activités en se guidant sur les principes du respect et de la responsabilité à l’égard de la terre et des ressources naturelles (MRN de la N.‑É., module d’éducation).          

Les premiers Européens venus avaient une vision différente de la forêt, apparemment infinie, de pins, d’épinettes, de pruches et de majestueux feuillus. Ils voyaient la forêt comme un ennemi qu’ils devaient conquérir pour survivre.

La même forêt qui avait initialement présenté un obstacle à la survie et à la réussite des nouveaux colons est vite devenue une source de richesse. Les meilleurs pins blancs ont été coupés et exportés pour alimenter l’industrie mondiale de la construction navale. Ultérieurement, la demande de bois d’œuvre d’épinette et de pruche a alimenté les marchés locaux et extérieurs. Lorsque l’offre de billes de sciage a fléchi, on a implanté des usines de pâte et les secteurs précédemment coupés ont été coupés à nouveau. Chaque fois que la forêt était coupée, seuls les plus gros et les meilleurs arbres étaient prélevés. On appelle l’extraction des meilleurs arbres une récolte sélective ou un écrémage, et il s’agissait d’une pratique courante. Dans nombre de cas, seuls les arbres de mauvaise qualité ont été laissés sur les lieux. Comme ces arbres constituaient la principale source de graines, ils produisaient généralement des peuplements clairsemés, de piètre qualité et de faible volume.

L’attitude de la majorité des gens à l’époque était de considérer l’approvisionnement en bois comme un approvisionnement illimité. Il ne fallut pas longtemps pour que les forêts de la Nouvelle‑Écosse se limitent à des arbres de piètre qualité. Une étude réalisée par Fernow (forestier célèbre) en 1909‑1910 en vint à la conclusion que la forêt est alors

            « largement en mauvaise condition et se détériore davantage chaque année à cause des abus et de l’exploitation insensée qui ont cours parce que ceux à qui elle appartient ne s’inquiètent essentiellement pas de son avenir et ne se rendent pas compte de ses potentialités ».

Les perturbations comme les incendies et les infestations d’insectes ont elles aussi eu un effet sur notre forêt. Les incendies, comme ceux causés par la foudre, font naturellement partie de l’écosystème forestier. Au début des années 1900, on avait recours au feu pour déboiser les terres. Ces incendies se propageaient accidentellement dans la forêt voisine et ils détruisaient des milliers d’acres de bois marchand. Un programme de prévention et d’extinction des incendies a vu le jour en 1927, au moment où on s’est rendu compte de la quantité de dommages causés par les incendies d’origine humaine. Les arbres sont également vulnérables aux insectes et aux maladies. Même si ces derniers représentent des phénomènes naturels, ils peuvent avoir un effet nuisible sur la qualité économique de notre forêt. 

La coupe à blanc a débuté vers la fin des années 1960 et 1970 avec l’arrivée de matériel de coupe mécanique (Johnson, 1986). Bien qu’il s’agisse d’une méthode de récolte qui convient dans certaines forêts, la coupe à blanc a souvent été effectuée de façon incorrecte et a produit des forêts de piètre qualité. Elle entraîne l’extraction de tous les arbres marchands d’un secteur au même moment. Les  coupes à blanc de vaste superficie ont tendance à produire une régénération d’espèces pionnières, comme le peuplier faux‑tremble, le cerisier de Pennsylvanie et l’érable rouge. Ces essences ont une valeur économique moindre et constituent les espèces pionnières de la Forêt acadienne.

Les boisés n’ont pas toujours été bien aménagés par le passé parce que les colons ne possédaient pas les connaissances voulues, parce que peu de lignes directrices avaient été établies et parce que les revenus étaient limités. De nombreux exploitants n’étaient tout simplement pas conscients des effets à long terme de l’écrémage. Les revenus limités tirés du bois sur pied n’encourageaient pas les nouveaux investissements dans la forêt et les lignes directrices législatives relatives aux méthodes de récolte n’étaient pas mises en application.

Les forêts d’aujourd’hui

La Nouvelle‑Écosse se trouve dans la région de la Forêt acadienne du Canada. Il s’agit d’une région relativement restreinte qui couvre la quasi‑totalité de la Nouvelle‑Écosse, de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et du Sud du Nouveau‑Brunswick. Elle représente une zone de transition entre la forêt caducifoliée au sud et la forêt conifère au nord (Farr, 2003). La Forêt acadienne se caractérise par la présence de diverses essences conifères et caducifoliées. Les espèces indigènes de la Forêt acadienne comprennent une trentaine d’essences au total (Saunders, 1995).  

La demande à l’égard des produits forestiers a considérablement augmenté ces dix dernières années. Le phénomène a entraîné des hausses marquées de la récolte, en particulier sur les boisés privés (MRN de la N.‑É., 1997). Comme environ 50 % des terres forestières productives appartiennent à des propriétaires privés, il est essentiel que les propriétaires de boisés assurent un aménagement avisé visant la production de bois, la biodiversité, la faune, la qualité de l’eau, les loisirs et d’autres valeurs. 

Le gouvernement provincial a reconnu la valeur des boisés privés dans sa « Politique forestière » de 1986. La politique « encourageait l’exploitation et l’aménagement des terres forestières privées comme principale source de bois de l’industrie en Nouvelle‑Écosse » tout en assurant les propriétaires qu’ils pouvaient « continuer à bénéficier des droits et responsabilités traditionnels que leur conférait la propriété privée de terres ».  

En 1997, le gouvernement provincial a préparé un document énonçant sa position pour assurer une exploitation forestière durable (Toward Sustainable Forestry: A Position Paper) qui reflétait de nouvelles valeurs et préoccupations de même que les besoins et attentes changeants de la société par rapport à l’aménagement durable. Le règlement sur la durabilité des forêts (Forest Sustainability Regulations), entré en vigueur en 2000, exige que certaines entreprises forestières, selon le volume annuel de bois qu’elles prélèvent, réalisent des travaux annuels de sylviculture sur les terres privées. (Les terres privées désignent toutes les terres à l’exclusion des terres de la Couronne.) Les entreprises peuvent satisfaire aux exigences du règlement en menant à bien un programme de sylviculture sur les terres privées, en fournissant une contribution financière à un fonds spécial appelé le Fonds de foresterie durable, ou au moyen d’une combinaison quelconque des deux mesures. Le nouveau règlement vise à accroître la quantité de travaux de sylviculture réalisés sur les terres privées (MRN de la N.‑É., 2000a).

Le volume brut de bois marchand de l’ensemble des essences de la Nouvelle‑Écosse totalise 404 millions de mètres cubes (168 millions de cordes). Un pourcentage de 61 % de ce volume est composé de bois de résineux (282 millions de mètres cubes ou 118 millions de cordes) et un pourcentage de 39 % est composé de bois de feuillus (122 millions de mètres cubes ou 50 millions de cordes) (Townsend, 2004). La récolte du bois sur les terres de la Couronne et les terres à vocation industrielle a continué à respecter les limites d’approvisionnement potentiel en bois, tandis que la récolte de résineux sur les petits boisés privés a augmenté ces dernières années (Conseil économique des provinces de l’Atlantique, 2000). La sylviculture accrue ayant suivi l’adoption du règlement sur la durabilité des forêts (Forest Sustainability Regulations) devrait pouvoir compenser cette hausse du niveau de récolte.    

Les petits boisés privés affichent généralement un taux de croissance net supérieur à celui des terres de la Couronne parce que les meilleures terres ont été concédées au public. Les investissements sylvicoles sur les boisés entraînent en conséquence habituellement un rendement relativement supérieur. La croissance moyenne dans les forêts de la Nouvelle‑Écosse est de 2,0 mètres par hectare par an (0,9 corde par an). Le recours à la sylviculture peut accroître ce taux de croissance à un taux estimatif de 5,5 m3/ha/an (2,5 cordes/acre/an) (MRN de la N.‑É., 2000b). 

Il faut un agencement de propriétaires de terres compétents et engagés, d’incitatifs pécuniaires, d’incitatifs fiscaux, d’éducation publique, de mesures législatives et d’accroissement des revenus tirés du bois pour assurer un aménagement sain des boisés. Des incitatifs pécuniaires sont fournis par le truchement de programmes du gouvernement provincial et de l’industrie, par exemple au titre du règlement sur la durabilité des forêts (Forest Sustainability Regulations). Les présents modules et des cours similaires aident les propriétaires fonciers à en apprendre davantage au sujet de l’aménagement forestier et des mesures législatives comme le règlement sur l’habitat de la faune et la protection des cours d’eau (Wildlife Habitat and Watercourse Protection Regulations), qui assure une protection des habitats de valeur sur toutes les terres.  

La forêt de l’avenir

Une forêt peut prendre de 40 à 100 ans pour atteindre la maturité, selon l’essence. Nous devons en conséquence assurer un aménagement avisé maintenant pour que nos enfants bénéficient de forêts productives et saines.  

Nous devons récolter le bois en pensant à l’avenir. En d’autres termes, il faut laisser en place les meilleurs arbres comme sources de graines pour que les nouveaux arbres soient de bonne qualité et en santé. Il faut donc maintenir des zones tampons adéquates le  long des cours d’eau. Il faut également assurer un aménagement visant le maintien de diverses essences, parce qu’un écosystème diversifié est stable et mieux en mesure de s’adapter aux perturbations. Ce sont là certains des aspects auxquels les propriétaires de boisés doivent prêter attention lorsqu’ils déterminent quelle est la meilleure façon d’aménager leurs terres pour répondre aux besoins de la société, à leurs propres besoins actuels et aux besoins des générations futures.

Tous doivent se soucier de l’utilisation de pratiques forestières appropriées, peu importe qu’on travaille ou non au sein de l’industrie forestière. Nous avons utilisé notre forêt pour bâtir un superbe pays. Il est maintenant temps d’aménager la forêt de l’avenir en vue de diverses valeurs, espèces et classes d’âge. L’éducation, les incitatifs financiers, les incitatifs fiscaux et les mesures législatives indiqués maintiendront des forêts saines et diversifiées.

UNE GESTION AVISÉE DES RESSOURCES