Module 1: Introduction à la sylviculture

Module 1: LEÇON 4 LA CROISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT DES PEUPLEMENTS

Introduction

Pour assurer un aménagement forestier avisé, les propriétaires de boisés doivent pouvoir identifier les essences d’arbres sur leurs boisés et comprendre leur mode de croissance et l’influence qu’ils peuvent exercer sur leur croissance.

Un arbre est composé de racines, d’un tronc ou d’une tige et d’une cime. Chacune de ces parties joue un rôle déterminant dans la croissance et le développement de l’arbre. Les racines ancrent l’arbre dans le sol et absorbent l’humidité et les éléments nutritifs du sol environnant. Le tronc soutient la cime et représente le lien entre les racines et les feuilles pour l’acheminement de l’eau et des éléments nutritifs. L’eau, les éléments nutritifs, l’énergie du sol et les gaz de l’atmosphère se combinent à l’intérieur des feuilles pour produire la nourriture nécessaire à la survie.

Les racines, le tronc et les branches sont composés des éléments qui suivent (figure 3).

Bois de cœur :    Bois inactif qui ne joue aucun rôle dans la production de la nourriture de l’arbre. Il confère de la solidité aux racines, au tronc et aux branches.

Aubier :              Ce bois actif constitué de xylème achemine l’eau et les éléments nutritifs des racines aux feuilles ou aux aiguilles de la cime.

Cambium :         Couche de cellules où a cours la croissance du diamètre. Elle forme une enveloppe de tissu sous l’écorce qui recouvre l’aubier. La couche interne la plus proche du centre de l’arbre produit le bois. La couche externe produit l’écorce.

Écorce interne :         Écorce constituée d’un tissu appelé le phloème qui transporte la nourriture fabriquée dans les feuilles et les aiguilles vers les branches, le tronc et les racines.

Écorce externe : Elle protège l’arbre des blessures.

Les racines, les tiges et les branches s’allongent et s’épaississent au fur et à mesure que l’arbre croît. Les traitements sylvicoles peuvent influer sur l’ampleur et le rythme de ces changements. Par exemple, le recours pertinent à une éclaircie hâtive peut entraîner la croissance d’un peuplement à une taille de récolte 20 ans avant un peuplement non traité.

 
 

 

On décrit les peuplements en fonction de trois critères : l’âge, le pourcentage de résineux et de feuillus, et finalement le stade de développement du peuplement

UN PEUPLEMENT FORESTIER
 

Les peuplements équiennes sont des groupes d’arbres présentant des différences d’âge maximales de 10 à 20 ans. Ils s’établissent après la disparition des arbres d’un secteur au cours d’un bref intervalle de temps par suite d’un incendie, d’infestations d’insectes et de maladie, de chablis ou d’activités de coupe. Les peuplements inéquiennes sont constitués d’arbres d’au moins trois classes d’âge et ayant divers diamètres et hauteurs.    

Comme les peuplements peuvent être composés de plusieurs essences dans des proportions qui varient, on les classifie de façon plus poussée en fonction du pourcentage de feuillus et de résineux présents :

les peuplements résineux renferment 76 à 100 % de résineux;

les peuplements mixtes renferment entre 26 et 75 % de résineux;

les peuplements feuillus renferment 25 % ou moins de feuillus.

 

Les peuplements sont également classifiés en fonction de leur stade de développement (figure 5). Le stade de développement est déterminé d’après la hauteur et l’âge moyen des arbres à l’intérieur du peuplement.

Une forêt est une communauté complexe et dynamique au sein de laquelle les arbres croissent et se développent du stade des semis à la maturité. Un certain nombre de facteurs physiques et biologiques influent constamment sur la croissance et le développement des forêts. Il faut comprendre ces facteurs pour effectuer une exploitation forestière avisée.    

Même s’il est plus facile de comprendre l’effet des facteurs en question lorsqu’on les examine individuellement (p. ex. les sols), l’examen de leur incidence se complique lorsqu’on considère tous les facteurs en même temps dans l’ensemble de l’écosystème naturel. La sensibilisation à leur existence et à leur effet sur la forêt vous aidera néanmoins à comprendre les raisons sur lesquelles reposent les pratiques sylvicoles avisées.

Voici une liste des principaux facteurs physiques et biologiques qui affectent les arbres au fur et à mesure qu’ils croissent, du stade des semis à la maturité.

Facteurs physiques

Climat

  • Température (moyenne et extrême)
  • Chutes de pluie (moyennes et extrêmes)
  • Vents (moyens et extrêmes)
  • Gravité et régularité des tempêtes causant des dommages (par exemple, ouragans et tempêtes de verglas)

 

Sols

  • Structure (meuble ou compacte)
  • Texture (argile, sable ou gravier)
  • Fertilité
  • Profondeur
  • Drainage
  • Végétation terrestre

 

Emplacement

  • Altitude
  • Pente (%)
  • Orientation ou direction de la pente
  • Exposition 

 

 

Facteurs biologiques

 

Écologie forestière de chaque arbre

  • Capacité de reproduction
  • Tolérance à l’ombre
  • Capacité d’enracinement
  • Potentiel de croissance
  • Résistance ou susceptibilité aux insectes, aux maladies et au chablis

 

Caractéristiques des peuplements

  • Densité
  • Composition taxinomique et distribution des essences

 

 

Agents de dégradation    

  • Maladies
  • Insectes
  • Mammifères
  • Interventions mécaniques

 

Lors de l’aménagement d’un boisé, il est important de savoir quels facteurs biologiques peuvent être modifiés et quels facteurs physiques ne peuvent pas l’être. Par exemple, comme on ne peut pas facilement modifier le sol, les essences que vous plantez ou la régénération que vous essayez d’encourager doivent être compatibles avec le type de sol. Vous pourriez essayer un certain nombre de traitements sylvicoles sans parvenir à maximiser la croissance si les arbres ne conviennent pas au sol.

Le ministère des Ressources naturelles de la Nouvelle‑Écosse a préparé un guide de classification des écosystèmes forestiers que la Nova Scotia Forest Alliance a utilisé à l’essai dans le Centre de la Nouvelle‑Écosse. Les écosystèmes forestiers sont regroupés à l’intérieur du guide en fonction des essences, de la couverture vivante, du type de sol et d’autres particularités du site. Le guide permet aux propriétaires de boisés et aux spécialistes forestiers de regrouper les sites similaires. Une fois les sites semblables repérés, les propriétaires peuvent mieux intervenir face aux dangers et aux limites opérationnelles associés à ces écosystèmes. La classification rend les résultats de l’aménagement plus prévisibles et par conséquent durables.

L’expérience a elle aussi une importance capitale. Les propriétaires de boisés qui observent les conditions locales à l’intérieur de leur propre région peuvent en tirer des connaissances pratiques précieuses en plus de principes généraux de sylviculture.

Le potentiel des sites

La capacité de croissance d’une forêt est directement liée aux facteurs physiques du site. Les facteurs physiques favorables améliorent le potentiel des terres de même que la réponse aux traitements sylvicoles. On détermine le potentiel des terres en comparant l’âge total d’un arbre dominant sain à sa hauteur. Les sites de meilleure qualité produisent les arbres les plus grands à n’importe quel âge. Un arbre de 70 ans qui a 23 mètres (75 pi) de hauteur pousse par exemple probablement dans un meilleur site qu’un même arbre de 70 ans qui n’a que 16 mètres (52 pi) de hauteur.

Les sites ayant un potentiel inférieur à 4 (permettant une croissance de 4 m3/ha/an) (0,7 corde/acre/an) ne valent généralement pas qu’on y consacre beaucoup de temps ni d’argent. Le potentiel de tels sites à réagir aux traitements sylvicoles est très faible.

Les potentiels des terres sont classés au moyen d’indices numériques. En Nouvelle‑Écosse, les terres présentant le meilleur potentiel sont les terres de catégorie 13. Les terres de cette catégorie bénéficiant d’un aménagement peuvent produire 13 mètres cubes par hectare par an  (m3/ha/an) (2,3 cordes/acre/an). Les terres présentant le pire potentiel sont les terres de catégorie 1, qui peuvent seulement produire  1 m3/ha/an  (0,2 corde/acre/an) même en bénéficiant d’un aménagement. Voici des exemples des taux de croissance anticipés dans le cas de différentes catégories de sites :

1) Un peuplement sur un site de catégorie 7 nécessite en moyenne sept ans pour atteindre une hauteur de 3 m (10 pi).

2) Un peuplement sur un site de catégorie 5 prend en moyenne dix ans pour atteindre une hauteur de 3 m (10 pi).

3) Un peuplement croissant sur un site de catégorie 4 prend en moyenne 15 ans pour atteindre une hauteur de 3 m (10 pi).

La densité de peuplement et la densité relative

Les arbres se livrent au cours de leur croissance du stade des semis à la maturité une concurrence entre eux pour la lumière du soleil, l’humidité, la nourriture et l’espace. Les arbres vigoureux et plus sains occupant les meilleurs sites dominent rapidement leurs voisins et deviennent les membres dominants et codominants du peuplement. Les autres arbres deviennent les membres intermédiaires ou dominés à l’intérieur du peuplement (figure 6).

Les arbres génétiquement supérieurs et les essences plus vigoureuses jouissent d’un avantage et occupent souvent rapidement des positions de hauteur supérieures à l’intérieur du couvert forestier. Les arbres inférieurs sont distinctement désavantagés.

La densité est habituellement exprimée d’après le nombre d’arbres par unité de superficie (hectare ou acre). Elle indique le degré d’entassement des arbres à l’intérieur d’un peuplement. La densité relative est un terme relatif généralement exprimé sous la forme d’un pourcentage qui décrit la quantité d’espace de croissance utilisée par les arbres. Un secteur comptant suffisamment d’arbres pour l’utilisation de tout l’espace de croissance disponible est considéré comme un secteur reboisé à 100 % ou d’une densité relative adéquate. Un secteur où seulement la moitié de l’espace de croissance disponible est occupé par des arbres a une densité relative de 50 %.

Durant l’établissement d’un peuplement, des milliers d’arbres pourraient germer, mais ce nombre diminuera par mortalité naturelle au fur et à mesure que le peuplement prendra de l’âge. Plus forte est la densité initiale, plus vive sera la concurrence qui entraînera l’élimination de nombreux arbres du peuplement. À maturité, un nombre inférieur d’arbres de taille supérieure se partageront la lumière du soleil, l’humidité, les éléments nutritifs et l’espace disponible.

 

Lorsqu’un arbre meurt, il crée une ouverture dans le couvert forestier. Au fur et à mesure qu’il se décompose, les éléments nutritifs emmagasinés dans le feuillage et la matière ligneuse sont libérés dans le sol. Dans un jeune peuplement, l’ouverture sera occupée par les branches des arbres voisins. Dans un peuplement mûr, l’espace ouvert crée un endroit où la régénération peut s’établir.

Chaque arbre doit disposer tout au long de sa vie de suffisamment d’espace à un étalement de sa cime et de ses racines proportionnel à sa taille pour bénéficier d’une croissance maximale. Si un nombre excessif d’arbres sont en concurrence face au même espace, les arbres seront plus petits. Si le nombre d’arbres est insuffisant, les arbres existants auront de grosses branches et des cimes immenses. Une vaste part de l’espace de croissance sera occupée par des essences non commerciales indésirables. La présence de tels arbres entraîne également une réduction générale de la croissance du peuplement.

La capacité d’une essence de survivre dans un peuplement dense dépend de sa croissance en hauteur et, dans une mesure supérieure, de sa tolérance à l’ombre. Les arbres tolérants peuvent survivre et croître dans diverses conditions d’ombre. Les arbres intolérants ne peuvent pas persister très longtemps à l’ombre. Il est important de tenir compte de ce point lors de la planification des activités de sylviculture. Si votre objectif est de produire un peuplement d’arbres tolérants, il faudra recourir à une coupe progressive ou à une coupe de jardinage au lieu d’une coupe à blanc. Le module 2 fournit plus de renseignements sur les méthodes de récolte.

La composition taxinomique

La composition taxinomique variera tout au long de la vie d’un peuplement, selon la densité de peuplement et l’âge. Au fur et à mesure que les peuplements prennent de l’âge, les essences intolérantes disparaissent généralement et sont remplacées par des essences plus tolérantes qui sont plus en mesure de concurrencer avec les autres et de croître lorsque la lumière du soleil est réduite.

La croissance

Les arbres passent par trois phases principales de développement au fur et à mesure qu’ils vieillissent : le stade immature, la maturité et le déclin. Des changements se manifestent au cours de chaque phase dans le taux de croissance en hauteur, en diamètre et en volume; dans la densité de peuplement, la densité relative et le développement; ainsi que dans la composition taxinomique du peuplement (figure 7).

 

La croissance en hauteur

Les arbres croissent en hauteur à partir du bourgeon terminal, si la flèche n’est pas endommagée. La croissance en hauteur la plus marquée se manifeste au cours du stade immature (figure 8). Même si la croissance en hauteur totale de l’arbre se poursuit ensuite, son taux de croissance diminuera au fur et à mesure qu’il prendra de la maturité. La hauteur finale qu’atteint un arbre sain et vigoureux dépend du potentiel du site. Plus riche est le site, plus grand sera l’arbre à un âge donné.

 

La croissance en diamètre

Chaque année, l’arbre produit un cerne annuel composé d’une bande de bois pâle et foncé. La bande pâle se forme durant le printemps et le début de l’été. Les bandes foncées sont produites vers la fin de l’été et au début de l’automne. Ces cernes apparaissent dans le tronc, les racines, les radicelles, les branches et les ramilles de tous les arbres (figure 9). Les cernes annuels ont beaucoup d’importance en foresterie, car elle reflète le passé d’un arbre ou d’un peuplement. On peut déterminer l’âge d’un arbre en comptant ses cernes. On peut voir le rythme de croissance en diamètre d’un arbre tout au long de sa vie au moyen des diverses largeurs des cernes. Lorsqu’un arbre est opprimé, les cernes sont étroits et lorsque l’arbre pousse bien et sans concurrence, les cernes sont larges.

 

Le rythme de croissance en diamètre est directement lié à la densité relative. En général, plus la densité relative est élevée, plus lent est le rythme de croissance en diamètre. Cette dernière est réduite par l’oppression des côtés et du dessus. Si l’arbre est libéré de la concurrence, son rythme de croissance en diamètre augmentera normalement. Une concurrence constante tout au long de la vie d’un arbre lui conférera un diamètre plus restreint à maturité, peu importe le potentiel du site.

Si un arbre est opprimé d’un seul côté, la croissance en diamètre sera normalement inférieure du côté opprimé. Les arbres poussant le long du bord d’un champ auront par exemple habituellement une croissance en diamètre supérieure du côté faisant face au champ, tandis que leur croissance sera moindre du côté boisé.

La concurrence à l’intérieur d’un peuplement pourrait amener les arbres du même âge à présenter une variation marquée de leurs diamètres. Un arbre ayant un gros diamètre pourrait être du même âge ou plus jeune qu’un arbre voisin ayant un diamètre plus petit.

La croissance en volume

Le rythme de croissance en volume, à l’instar de la croissance en hauteur et en diamètre, est généralement supérieur au cours des premiers stades de développement d’un arbre. Comme la croissance en volume dépend à la fois de la croissance en hauteur et de la croissance en diamètre, les facteurs qui influent sur la hauteur et le diamètre influent également sur le volume.

Le volume d’un peuplement est directement lié à sa densité relative, c’est à dire que le volume d’un peuplement augmentera au fur et à mesure que sa densité relative augmentera (figure 10) parce que le site est utilisé plus pleinement.

 

La manipulation des peuplements au moyen des éclaircies

Comme il a déjà été mentionné, la croissance et le développement d’un peuplement sont substantiellement affectés par la concurrence avec les autres arbres. Dans certains cas, la concurrence est bénéfique, par exemple dans les peuplements de feuillus ou d’épinettes blanches où la densité réduira la présence excessive de branches. Dans les peuplements denses, la concurrence des arbres voisins ralentit la croissance et le développement du peuplement (figure 11).

Pour améliorer la croissance et le développement de votre boisé, il faut rajuster la concurrence au moyen d’interventions d’espacement. Les éclaircies précommerciales permettent d’assurer l’espacement souhaité entre les arbres. Mis à part la plantation, la majorité des approches sylvicoles en matière d’aménagement des peuplements donnent lieu à une modification de l’espacement existant.

La réduction de la concurrence au moyen d’une éclaircie permet aux arbres résiduels de croître selon le potentiel du site. Le peuplement produira ainsi plus de bois marchand plus hâtivement. L’espace supplémentaire permettra également la croissance d’arbres de dimensions supérieures qui auront une valeur supérieure, comme des billes de sciage.

 

Les éclaircies éliminent les arbres indésirables et libèrent les meilleurs arbres de la concurrence. Les arbres indésirables sont ceux qui sont touchés par la maladie ou qui sont endommagés, les essences non voulues et les essences dont la présence gêne les arbres de meilleure qualité. Les arbres jugés indésirables varieront selon chaque situation. Il est en conséquence capital de toujours savoir quel type d’essences ou de produits forestiers vous voulez encourager sur votre boisé. Les éclaircies sont traitées plus en détail dans le module 3.